la houle se déroulant au fracas de la coque (…), je sabrais l’écume.


LA HOULE SE DÉROULANT AU FRACAS DE LA COQUE,
SEMBLANT UNE TEMPÊTE À SAPER LA TÔLE,
JE SABRAIS L'ÉCUME.

SARA FAVRIAU

02.04.2015 - 02.05.2015
Dossier de presse
Formes blanches sur fond blanc.

C’est par le vide que l’on rentre dans la sculpture de Sara Favriau. Une incision dans un morceau de plâtre qui, jouant du positif et du négatif, nous guide, nous fait pénétrer dans la blanche matière et investit l’espace. La forme s’extrait, s’agrège, s’accumule, se construit. D’abord abstraite, elle s’avance doucement, comme une petite musique qui sommeille et se révèle progressivement. Une lente navigation qui sort de la feuille pour devenir une forêt de signes en volume, un ornement par le sens du motif. Le temps d’apprécier le titre à rallonge, mais non moins romantique : la houle se déroulant au fracas de la coque, semblant une tempête à saper la tôle, je sabrais l ‘écume. Chez Sara Favriau, les transformations progressives nous mènent d’un cube de marbre à une piscine, d’une coque plastique à un bas-relief, d’une trace à une empreinte…

 

Exploiter les formes délaissées.

Sara Favriau travaille autour du détournement. Ou plutôt du contre-usage. L’existant, l’usuel s’effacent dans un mille-feuille de mises en scène et de métamorphoses. L’artiste réemploie la fonctionnalité d’objets, collectés le plus souvent dans le monde de l’industrie et la société de consommation. Un monde qui offre une multitude de matières et de formes, trop souvent délaissées. Elle contourne la fonction originale du produit, l’extraie de son milieu environnant, le dévie de son chemin traditionnel pour lui faire emprunter un plus simple. De cette concision, cette justesse nait la possibilité d’une poïétique.

 

« J’annihile un système pour en créer un nouveau. »

L’œuvre de Sara Favriau induit différents degrés de lecture mais n’obéit qu’à un système qui lui est propre. Le moulage par exemple est un procédé rationnel de détournement et de transposition. A partir de résine ou de plâtre, elle fossilise, tout en dupliquant, des empreintes molles/dures, légères/lourdes, souples/raides… L’objet moulé devient une trace qui cristallise une action. Un objet banal et formel qui, de simple matrice, se régénère dans une nouvelle forme abstraite comme avec La Bête. Eloigné de sa fonction première, il devient un code. Pur et simple. Par exemple, l’utilisation des blisters, à l’origine de simples emballages plastiques, permet, de part la variété collectée et moulée, de répertorier une « bibliothèque de formes » puis générer des combinaisons et former un langage visuel. En les assemblant, dans des compositions parfois monumentales comme Carnaval, ces coques plastiques se transforment en « figures » de bas-reliefs, masques à la fois abstraits et anthropomorphes. Parfois l’artiste intervient directement sur le blister en le froissant. Comme lorsqu’on ouvre impatiemment un emballage pour en tirer son contenu. Ce n’est plus un contenant lisse et aseptisé, parfaitement thermoformé. Cette action le renvoie à sa destination de déchet : consommable et périssable. Moins formel, moins parfait.

 

« Je dé-systématise pour re-systématiser, dé-construis pour re-construire. J’anoblis par des procédés et des gestes simples. »

Dans Carnaval, la finesse et la densité du plâtre synthétique permettent de jouer sur les glacis et sur les contrastes de blancs qui changent selon les arrivages et la provenance du matériau (d’Italie, de Turquie…). Le matériau pauvre n’est donc pas le plâtre comme on pourrait le croire mais le carreau de céramique qui est le bas de gamme des carreaux pour salles de bains.

Les Hybrides sont des micro-sculptures issues de moulages de matériaux industriels, dans le prolongement des blisters et des emballages jetables, qui sont ensuite taillés, retravaillés. L’objet devient hybride, entre structure, matière et ornement, et offre une nouvelle phase de lecture, au-delà du procédé de fabrication. Une nouvelle fonctionnalité. Une nouvelle vie. Ces hybrides sont aussi des vestiges archéologiques, des architectures tronquées. Des traces de notre consommation de masse? Des vestiges de Pompéi ? Le témoin d’une mémoire sous-jacente, de l’Histoire de l’Art ? Ou au contraire les spectres d’une œuvre à venir ?

 

Du partiel au total.

Les œuvres de Sara Favriau se distinguent par leur apparente simplicité. L’artiste laisse naviguer le spectateur, avec ses acquis propres, dans la découverte de l’œuvre à travers sa matière. Les sculptures sont conçues avant tout par fragments. Ces éléments, toujours singuliers, s’accumulent progressivement et finissent par être assemblés. Nous pouvons les appréhender autant comme sculptures autonomes que comme installation. En outre, l’utilisation conjointe de la miniaturisation et l’accumulation permet de déployer ces individualités qui, en s’assemblant, occuperont alors l’espace. Accumulés puis combinés, ces fragments évoquent une forme de « monumental minuscule ». « Je souhaite emplir l’espace par le vide, mes « blisters » se révélant comme de fins reliefs blancs sur un support blanc. Mais également dans une projection mentale qui intervient avec le rapport au tout petit, au détail. Le mental n’induit ni échelle ni taille. Il est une porte ouverte. C’est cette porte ouverte qui fait exister l’œuvre, la libérant de toute description, vacillant entre forme et sens, rejoignant parfois l’utopie. Les strates s’imbriquent, se confondent, s’efforçant de ne pas se limiter au sujet initial. »

 

( … ) le détournement mineur est le détournement d’un élément qui n’a pas d’importance propre et qui tire donc tout son sens de la mise en présence qu’on lui fait subir (… ) Guy-Ernest Debord et Gil J.Wolman, Mode d’emploi du détournement. Les lèvres nues, n°8 mai 1956, Bruxelles
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