Palingénésies, Erik Nussbicker


PALINGÉNÉSIES


ERIK NUSSBICKER

13.02.25 - 05.04.25

Dossier de presse

La Galerie Maubert présente la deuxième exposition personnelle d’Erik Nussbicker, dans son espace parisien.  Palingénésies retrace vingt ans de pratique graphique avec plusieurs séries au pinceau, inédites, d’encres sur papier de mûrier, où figure le squelette humain. Ces travaux sont accompagnés notamment du ‘‘Carnyx’’, trompe annonciatrice, et de bols chantants moulés à partir de calottes crâniennes en bronze, de la première vidéo du projet ‘‘Vox Catacombae’’ et les sculptures ‘‘De bois morts’’.



Quand l’os voit le jour, 

les vagues scélérates de nos émotions 

inscrivent l’ineffable sur l’épitaphe de l’instant.  



« Le papier Washi, fabriqué à partir de fibres de mûrier, présente une similarité avec les tissus conjonctifs qui enveloppent l’ensemble des organes et des os, également connus sous le nom de fascias. Ces fines membranes véhiculent de l’énergie et de l’information, tout en préservant l’harmonie de la structure de tenségrité de notre corps. La pulpe du mûrier (Kozo), bénéficie pleinement des propriétés du végétal vivant. Cette matière convie à observer les phénomènes fondés sur la mécanique des fluides avec le principe de capillarité et ses interactions moléculaires. Elle respire et initie les mouvements de l’encre, sans aucune intention de maitrise. Ici, nul besoin de neurones pour penser ou agir : juste ‘‘être au monde’’. Cette forme végétale de conscience unifiée invite à mettre en question nos modes d’existence.

Quant à l’encre, elle se diffuse à notre insu, comme les brumes sanguines de nos sentiments. Ce processus aléatoire invite au non-agir. Les principes de l’hydrodynamique donnent vie aux nuées d’encre qui se voient mourir sur la page de mûrier. On retrouve cette notion de fluidité dans la structure du tissu osseux qui se construit continuellement en s’adaptant à nos modes de vie. Pour ce faire, il doit se détruire pour se réinventer. Plus le schéma de l’anatomie du corps s’approche de la perfection, plus il s’éloignera de la nature du vivant pour se rapprocher du déni de la mort, aux antipodes des représentations universelles qui se jouent de notre regard et de nos peurs ataviques.

Il est difficile de se soustraire aux représentations contemporaines de la mort qui apparaissent à mesure que le regard intérieur de ‘‘la mort à soi’’ disparaît. Depuis la nuit des temps, les êtres conscients dénombrent leurs morts, les enterrent ou bien les mangent. Plus tard, nous les avons instrumentalisés en les interrogeant sur des faits historiques ou de la Préhistoire. Nous expédions les organes des uns pour tromper la mort des autres. Certains d’entre nous sont congelés dans l’espoir de se voir un jour ressusciter. Après en avoir tiré toute substance et pour les garder à bonne distance, nos morts finissent en cendres plutôt que de les inhumer.

Certes, de la cendre à l’encre, il n’y a qu’un pas. Le dessin à l’encre, la sculpture sur bois, la pratique instrumentale ou de la lutherie relient la matière à l’intime vibration du monde. Imaginez qu’autour de vous tout s’évanouisse à la saisie d’une gouge, d’un pinceau ou des ondes d’un bol chantant. Et que ce silence vous conduise à vous dessaisir de la vanité du chant des oiseaux, du bruissement des feuilles sous vos pas, de la synchronicité d’un aboiement d’avec le parfum complexe des chemins du passé. De voir s’éloigner les mémoires d’ombres qui prêtent corps aux objets. Des bruits qui donnent la parole aux esprits, et aux animaux la médiumnité. Ces phénomènes si forts qu’une vie ne suffit à les observer élargissent le spectre des réalités. Autant d’attraits qui ne peuvent résister à la flamme de la ‘‘pure présence’’.

Aux cortèges des temps infinis succèdent les palingénésies. Seul le philosophe et le sage ont perçu la colossale inertie du métabolisme de la terre qui entretenait jusqu’ici la nature des illusions. Du cycle des saisons à celui des astres, l’interdépendance des phénomènes est la seule condition d’éternité physique offerte au mystère de l’incarnation. Face à une humanité qui se veut immortelle, l’immensité des ressources du vivant s’épuise. Au regard du cosmos, du pardon et de l’amour universel, ne s’agit-il pas d’un épiphénomène ? »

                 

               Erik Nussbicker




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