Le titre de l’exposition proposée à la Galerie Maubert par le peintre Nicolas Delprat, Minimal Chaos, évoque par un effet d’oxymore le rassemblement de deux notions distinctes et opposées – le minimalisme et le chaos – sur la surface de la toile.
Lors de sa résidence transfrontalière avec l’association COOP et le Centre d’art contemporain de Huarte en 2017, dans les ruines d’un village abandonné de Navarre, Nicolas Delprat a quitté les limites strictes du cadre du tableau pour adosser une installation picturale minimaliste aux entrées des maisons délabrées, ouvertes à coup de masse par des résidents de passage d’Egulbati. Il réalise pour cette intervention in Situ des peintures phosphorescentes sur tubes d’acier nous proposant, de nuit, un décor de lumière, géométrique et construit.
Poursuivant ce travail à la Casa de Velázquez, en inversant le processus, Nicolas Delprat a cherché à apporter, dans une peinture minimaliste, le chaos selon différentes perspectives.
La première est l’utilisation de scotchs permettant de rendre visible les éléments de construction de l’image. En effet, suspendus grâce à ces scotchs, les toiles et papiers utilisés par l’artiste gardent les traces rectilignes et formes nettes de ces pochoirs, tout autant limites imposées à la peinture que squelette interne de sa construction. La nébulosité de la peinture, touche spécifique à Nicolas Delprat, s’engouffre alors dans ce nouvel espace pictural construit.
La deuxième est la réintroduction de la visibilité du geste pictural au sein de la toile. En effet, la maitrise d’une technique virtuose du peintre, pour travailler le grain – le photon – de la peinture, faisait disparaître non pas le geste mais la représentation de ce geste : comme si une infinité de touches était intégrée sur la toile dans une sorte de mouvement infini qui n’en laissait qu’une trace brumeuse. Ici, Nicolas Delprat laisse visible les traces d’un rouleau recouvrant partiellement les surfaces, les traces de brosse, mais surtout réintègre des éclaboussures qui s’écoulent le long de la toile, rappelant la nature liquide du médium et introduisant une notion de temporalité. « Cet élément perturbateur évoque les signes laissés à la bombe de peinture par les graffeurs sur les sites abandonnés pour témoigner de leur passage. A la renaissance, la coulure suggérait un élément de réel, incarnant littéralement le sang du martyr de Saint Sébastien, criblé de flèches d’où s’écoulait sur la toile le sang/peinture. Au-delà de toute figuration, la peinture de Delprat devient l’incarnation d’une présence, dans cette mise en scène de l’Histoire sans figurants.»1.
Le travail de Nicolas Delprat s’appuie sur un héritage certain du minimalisme notamment dans sa relation à la lumière. Mais il s’en distinguait déjà par un anachronisme qui lui permettait de traduire non pas des sensations mais des souvenirs de lumière face à notre héritage culturel ou personnel. La lumière grésille sur des surfaces nébuleuses et faussement monochromes, comme le souvenir d’un film de David Lynch, ou d’une œuvre de James Turrell ou de Dan Flavin. L’exposition Minimal Chaos
sera donc un cheminement libre de la lumière dans l’espace d’exposition, nous invitant tout autant à contempler chaque peinture qu’à en pointer les aspérités.
1 Christian Alandete, Critique d’art et curateur, Responsable des expositions Fondation Giacometti.