L’homme seul dans la grotte a regardé
dans le bruit
dans le bruit de la mer
l’immensité des choses
Et il a crié
Marguerite Duras, Les Mains négatives
Cette exposition s’est d’abord imposée par son titre, comme une musique à composer : La Légende des origines. Une histoire à écrire, à inventer, à fantasmer par fragments et zones blanches. A travers des pays et des mondes. Grâce à des gestes, des danses, des lignes tracées, des signaux, des langages, des mélodies et des brumes.
Et, Marguerite Duras restera en filigrane — ses Mains négatives, le texte puis le film du même nom ; poème à la gloire du premier homme ayant porté ses mains sur les parois des grottes, pour souffler ses couleurs et laisser une trace. Puis, cet homme dont elle parle, dans sa solitude de granit, est aussi celui qui regarde le monde, qui sait désormais qu’il a créé un sillage, seul capable d’avancer vers la mer, vers l’inconnu dans sa vastitude. Sa solitude primordiale est ce qui le pousse à s’exprimer, à crier parce qu’il ne peut pas faire autrement. Et la rationalisation de ce cri permettra le langage. Mais, restons encore dans cet état originel, dans cette solitude qui devient un appel à l’amour, à travers les milliers d’années, en une communication sourde entre les éléments.
Ici, nous serons témoins de la survenue d’un geste et d’une langue primordiales, comme les deux modalités d’un même rapport au monde qui se donne sans se donner. Et les artistes de l’exposition — qu’ils utilisent le son, la voix, le graphite, le souffle, le verre, l’image filmée, la photographie ou l’installation — saisissent des bribes d’immensité, des paysages d’une nature lointaine et sauvage, brumeuse ou sismique, au Chili, en Thaïlande ou au Kirghizstan, à moins qu’ils ne se contentent de suggérer une vie intérieure et secrète.
Léa Bismuth